Alimentation et chimiothérapie
« C’est la première fois depuis deux ans que je suis capable de remettre les pieds dans une cuisine et que j’y prends du plaisir ! » Cette réflexion de l’une des participantes à ses ateliers culinaires, Philippe Pouillart se plaît à la relater. Et c’est vrai qu’elle illustre bien la raison d’être des cours de cuisine un peu particuliers que cet enseignant-chercheur en Pratique Culinaire et Santé a mis sur pied.
Ses ateliers sont destinés aux personnes qui sont traitées par chimiothérapie. Un traitement dont les effets secondaires les ont bien souvent amenées à déserter leur cuisine. En effet, quand on ne supporte plus les odeurs de cuisson, que les aliments ont perdu leur saveur d’antan ou que la fatigue vous empêche de rester debout, les repas peuvent s’apparenter à une épreuve davantage qu’à un moment de plaisir.
« Or, négliger son alimentation peut avoir des effets délétères pour le patient et son entourage », observe Philippe Pouillart. Si bien s’alimenter est indispensable pour se rétablir rapidement, les repas sont aussi un moment d’échanges et de convivialité.
Adapter les pratiques culinaires
Philippe Pouillart s’est donc mis en quête de « trucs et astuces » gastronomiques pour leur donner l’envie de retrouver le chemin des fourneaux. « Depuis 2010, je travaille avec un groupe d’une douzaine de patients », explique-t-il. « Ils témoignent de leurs expériences culinaires depuis la chimio ou la radiothérapie. »
Grâce à eux, Philippe Pouillart a mis en exergue une dizaine d’effets secondaires. Son objectif : adapter les pratiques culinaires pour essayer de contrer ou, tout au moins de retarder, ces effets indésirables.
Comment ? En jouant sur des associations d’aliments, la composition des ingrédients, l’ajout de certains condiments, le mode de cuisson…
Plus de 200 recettes ont été élaborées, goûtées, validées ou ajustées. « Et ce que nous cuisinons est délicieux ! », promet Philippe Pouillart. « Ce ne sont pas des plats bizarres qui ne plaisent qu’aux personnes dont le goût est altéré. Toute la famille peut en profiter. »
La cuisine comme « reconquête de soi »
Philippe Pouillart dispense ces ingénieuses découvertes lors d’ateliers culinaires mensuels destinés aux patients mais aussi à leurs proches et aux professionnels de la santé. Au menu : la préparation de deux entrées, de deux plats principaux et de deux desserts.
« En une matinée, les participants reçoivent les éléments-clés pour réitérer l’expérience chez eux. » Pour la plupart des patients, les apprentissages engrangés durant ces quelques heures sont l’amorce d’un nouveau départ. « Quand on est malade, la cuisine peut représenter une forme de “ reconquête de soi ”. Redonner une place centrale à ces gestes du quotidien que l’on avait été contraint de délaisser, c’est se reprendre en main, retrouver la maîtrise de tout un pan de sa vie », conclut-il.
Quelques « astuces » culinaires
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Atténuer l’arrière-goût « métallique » de la viande rouge… en l’agrémentant de morceaux de fromage à pâte pressée cuite (gruyère…). La déviance dans le goût est l’un des effets secondaires les plus courants de la chimiothérapie. Les patients se détournent souvent de la viande rouge, qui leur laisse une saveur désagréable dans la bouche. Ce type d’aliment, riche en vitamine B12, fournit pourtant de précieuses ressources à l’organisme.
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Contre les nausées…rien de tel que le gingembre et la menthe poivrée.
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Les bienfaits du micro-ondes…qui permet une cuisson plus rapide et demande moins de travail à une personne affaiblie par son traitement. Cerise sur le gâteau : les qualités nutritionnelles des aliments sont préservées.
En pratique : des ateliers et une application mobile
Ces ateliers culinaires sont organisés une fois par mois à l’Institut Polytechnique La Salle à Beauvais. Contact : 03 44 06 25 25.
Nouveauté en ce début 2014 : une application mobile gratuite et un site internet reprenant recettes et autres astuces culinaires destinées à pallier les effets secondaires de la chimiothérapie.
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