« Manger sain c’est bon pour la santé ! » À force d’être répétée par tout le monde, les médecins, les médias, la voisine, etc., plus personne n’ignore cette réalité. Mais l’excès nuit en tout. Chez certaines personnes, la recherche de la perfection alimentaire vire à l’obsession. C’est ce qu'on appelle l’orthorexie.
Orthorexie : l’angoisse de la maladie
Steven Bratman, le médecin américain qui, fin des années 90, a mis en évidence ce trouble des conduites alimentaires, définit l’orthorexie comme une fixation quasi pathologique sur la recherche de la nourriture appropriée. « L’orthorexique consacre plusieurs heures par jour à l’organisation, la recherche, la sélection et la préparation de ses aliments », complète Patrick Denoux, professeur de psychologie interculturelle à l’université Jean Jaurès de Toulouse. « À l’origine, l’orthorexique éprouve un mal-être qui se focalise sur l’idée qu’il a ingéré un aliment qui l’a rendu ou va le rendre malade. Sous prétexte de santé et par peur d’être “empoisonné”, il va donc développer une série de règles et d’interdits censés lui garantir une alimentation “saine”. Au final, sa vie se réduit à un menu ! »
Orthorexiques : des « extrémistes alimentaires »
Au mieux, cette fixation se traduit par un régime alimentaire très strict. Au pire, cela donne des aberrations nutritionnelles, d’autant plus irrationnelles que ce qui est sain pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre !
Outre le risque de carences, de telles pratiques entraînent un repli sur soi et un isolement social. Car si, au début, l’entourage fait preuve de compréhension, il se lasse bien vite de ses exigences… surtout quand l’orthorexique cherche à convaincre les autres du bien-fondé de sa doctrine alimentaire ! Il est généralement le premier à en souffrir. Exemple : « Une jeune fille orthorexique est invitée chez des amis et se retrouve devant un gâteau », raconte Patrick Denoux. « Pour elle, le dilemme est cornélien : soit elle fait plaisir à ses hôtes et se force à en manger un morceau, soit elle reste fidèle à ses principes et risque de vexer ses amis. La pression intérieure est si forte que, finalement, elle se lève de table et court s’enfermer dans les toilettes pour pleurer…» À ce stade, il est temps de demander de l’aide – à un psychologue, par exemple - pour que l’alimentation redevienne un plaisir… et non un chemin de croix.
Exemples de pratiques orthorexiques
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Marine, 47 ans : « Je mange exclusivement de l’agneau et du sucre blanc… »
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Pierre, 32 ans : « Je fais douze mini-repas par jour, avec un aliment par repas. Pour éviter les carences, je prends environ 80 (!) compléments alimentaires différents. »
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Pauline, 22 ans : « Je refuse de manger des fruits ou des légumes qui ont été cueillis plus d’un quart d’heure auparavant. »
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Renée, 36 ans : « Je mâche cinquante fois chaque aliment. Quelques bouchées suffisent à me rassasier. »
Qui est à risque d'orthorexie ?
Les personnes les plus à risque de devenir orthorexiques sont celles et ceux qui, fragilisé(e)s, ont (déjà eu) tendance à reporter sur l’alimentation des questions psychiques douloureuses.
Exemples :
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les (ancienn(e)s) anorexiques,
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les obsédé(e)s du régime,
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les allergiques (réel(le)s ou supposé(e)s),
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les végétaliens
Orthorexie : une névrose culturelle
Dans son livre, « Pourquoi cette peur au ventre ? », Patrick Denoux affirme que, plus qu’un trouble psychique, « l’orthorexie est une névrose culturelle. Depuis que nous avons perdu le contact direct avec les producteurs au profit de l’industrie agroalimentaire, nous sommes passés de la confiance à la méfiance vis-à-vis de la nourriture ». Les scandales et crises alimentaires (vache folle, lasagnes à la viande de cheval, grippe aviaire, etc.) et les recommandations alimentaires, souvent contradictoires, véhiculées par les médias, ont fait le reste…
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