Jade, 10 ans, se trouve trop grosse. Au cours de danse classique, elle scrute dans le miroir ses formes « rebondies ». En cachette, elle commence à éviter les sucreries, les pâtes et les pizzas, elle « oublie » de prendre son goûter, ne met plus de beurre sur ses tartines… Quant à Lucas, 9 ans, il ne mange plus que des aliments liquides. Cela l'empêche de manger à la cantine, de participer aux anniversaires, de partir en colonies de vacances...
Ces comportements, la pédopsychiatre Marie-France Le Heuzey les a longuement analysés : en France, les troubles alimentaires touchent 600.000 personnes de 12 à 35 ans. Et ce souci pour son apparence physique - de plus en plus présent dans notre société - concerne aussi les enfants : des enquêtes ont montré que, dès l’âge de 4-5 ans, les fillettes peuvent être préoccupées par leur poids et leurs formes et avoir peur de grossir. Environ un tiers à la moitié des filles de 7 à 13 ans déclarent ne pas aimer certaines parties de leur corps et envisagent de faire un régime, et 10 à 24 % cherchent activement à perdre du poids en diminuant leurs rations alimentaires ou en faisant de l’exercice physique.
Anorexie prépubère : perturbation de la croissance
Quand elle survient si jeune, l'anorexie mentale apparaît généralement de manière assez intense. « Cette intensité est due au fait que l’anorexie prépubère est souvent diagnostiquée tardivement. Les généralistes et les pédiatres n’y croient pas, pas plus que les parents. Beaucoup de temps est perdu en examens physiques plutôt qu'en analyses psychologiques», explique Solange Cook-Darzen, docteur en psychologie et auteur de « Approches familiales des troubles du comportement alimentaire de l’enfant et de l’adolescent » (Édition Eres).
Or, les conséquences des restrictions alimentaires sont encore plus ravageuses sur les enfants que sur les adultes : risques de carences, perturbation de la croissance et de la puberté, à long terme de l'ostéoporose, des aménorrhées (absence de menstruations chez une femme en âge de procréer), des problèmes de fertilité, cardiaques et dentaires. Au niveau psycho-social, ces troubles entraînent de l'anxiété, de la dépression, de l'isolement, d'autres addictions...
Restrictions alimentaires : quand s’inquiéter ?
Pour autant, faut-il directement s'inquiéter lorsque son enfant fait attention à son poids ? A priori non, veiller à sa santé, c’est même plutôt bien. Quelques kilos en moins peuvent même donner confiance en soi. « La lutte contre l'obésité est louable mais les conseils doivent être prodigués avec doigté. De trop grandes frustrations peuvent susciter des comportements de compensation en cachette », explique le Dr Le Heuzey. Le basculement vers l’anorexie survient lorsqu’il n'y a plus de limite dans l’amaigrissement. Les troubles du comportement alimentaire ont souvent tendance à évoluer vers des formes graves et chroniques.
Pour éviter d’être entraîné dans cette spirale, il convient de l’enrayer le plus tôt possible en emmenant son enfant consulter un médecin et/ou un psychologue. L’anorexie des plus jeunes entraîne souvent des conflits au sein des familles. « Les repas sont sources d’oppositions », poursuit le Dr Cook-Darzens. « Les parents éprouvent souvent de la culpabilité face à la maladie de leur enfant. » Raison pour laquelle, les thérapies familiales sont souvent préconisées.
Anorexie : qui sont les enfants à risque ?
Les personnes anorexiques présentent souvent les caractéristiques suivantes :
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manque de confiance en soi,
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perfectionnisme,
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besoin excessif de liens affectifs ;
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grande anxiété.
Un livre
« L’enfant anorexique - comprendre et agir », Marie-France Le Heuzey. Éditions Odile Jacob.
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