Qu'est-ce que l'asthme allergique ? Quelle en est la cause ?
Aujourd’hui, entre 5 et 10?% des personnes asthmatiques ont des bronches hyper-réactives à certaines substances comme les pollens, les acariens, les poils d’animaux ou encore les moisissures, et ne peuvent pas être soulagées par les traitements classiques. Elles souffrent d’une forme sévère d’asthme allergique et se trouvent dans ce que l’on appelle une impasse thérapeutique(1).
Les asthmes sévères restent encore difficilement contrôlés
L’asthme allergique sévère est très invalidant au quotidien : toux et gêne respiratoire constante, crises nocturnes fréquentes, activité physique nécessairement restreinte… Or, si l’on soigne bien les asthmes légers ou modérés, les traitements actuellement proposés pour les asthmes sévères ont montré leurs limites. Le classique cocktail associant bronchodilatateurs bêta-2-mimétiques et corticoïdes inhalés s’avère en effet peu efficace pour les contrôler(2). Quant aux corticoïdes par voie orale, prescrits en cas d’échec, ils présentent beaucoup d’effets secondaires lourds : prise de poids, sautes d’humeur, et risques à long terme pour la santé osseuse et cardiovasculaire.
Une piste très prometteuse pour soigner l'asthme allergique
Avec son équipe au sein de l’unité de recherche de l’institut du thorax, à Nantes, Vincent Sauzeau, chercheur à l’Inserm, a identifié pour ces cas graves une nouvelle piste thérapeutique : un traitement potentiel, cumulant l’effet des bronchodilatateurs (contre l’hyperréactivité bronchique) et l’effet des anti-inflammatoires (pour diminuer l’inflammation des poumons). Les travaux de son équipe reposent sur l’étude de la protéine Rac1, dont ils ont découvert qu’elle est impliquée dans le processus asthmatique de contraction excessive du muscle bronchique. Cette protéine est également en partie responsable de la prolifération des cellules musculaires dans les bronches. Ces dernières s’épaississent, ce qui engendre des déficiences respiratoires importantes.
Un effet «?deux-en-un?»
En décembre 2017, dans The Journal of Allergy and Clinical Immunology, le plus grand journal de la spécialité, Vincent Sauzeau et son équipe ont publié les résultats d’une étude menée sur des souris asthmatiques sensibilisées aux acariens. L’étude démontre que l’inhalation d’un inhibiteur de la protéine Rac1 (qui inactive donc cette protéine) diminue simultanément la contraction des muscles lisses tapissant les bronches et l’inflammation des poumons ; soit l’effet cumulé des bronchodilatateurs et des corticoïdes. Et cela, sans effets secondaires.
Des résultats à valider sur l'homme pour le traitement de l'asthme allergique
Première mondiale, cette découverte est riche de promesses. Les recherches de Vincent Sauzeau ont d’ailleurs déjà fait l’objet de deux dépôts de brevets. Encore faut-il que l’essai soit transformé chez l’homme. Pour cela, une étude préclinique est en cours, en lien avec le service de pneumologie du CHU de Nantes, afin de vérifier l’activation excessive des protéines Rac1 chez les patients asthmatiques (par rapport à des patients qui ne le sont pas).
Asthme allergique : bientôt un nouveau médicament ?
Si ce lien est confirmé – et les premiers résultats obtenus semblent aller dans ce sens –, cela validera l’intérêt de poursuivre le développement d’un inhibiteur de Rac1 à visée thérapeutique chez l’homme. Ce traitement serait alors administré par voie inhalée, pour une action ciblée dans les bronches, à la fois en phase d’asthme aigu (comme traitement de crise) et pour réduire l’inflammation des poumons sur le long terme (comme traitement de fond). Le second axe de recherche en cours est l’identification d’un inhibiteur utilisable chez l’homme, celui employé sur les souris n’étant pas assez efficace. Cette recherche devrait aboutir à la conception d’un spray. Traiter efficacement les asthmatiques sévères, l’enjeu est de taille : en France, cette affection est directement associée à plus de 60 000 hospitalisations et à près de 900 décès par an(2).
3 questions à Vincent Sauzeau, chargé de recherche à l’Inserm au sein de l’institut du thorax, à Nantes*.
Pourquoi est-il important de trouver de nouvelles pistes thérapeutiques contre l’asthme allergique ?
L’asthme allergique est un problème de santé publique majeur. Le nombre de cas augmente de manière continue depuis vingt ans. On estime que 10?% de la population mondiale en est atteinte. La maladie tue 250 000 personnes par an.
Où en est votre projet de recherche sur les protéines Rac1 ?
Nous avons identifié le rôle majeur d’une petite protéine – la protéine Rac1 – dans le développement de l’hyper réactivité bronchique caractéristique de l’asthme allergique. Nous avons montré que l’inhibition de cette protéine permet de réduire de 70 à 80?% la contraction bronchique et de restreindre aussi l’inflammation pulmonaire.
Quel espoir suscitent vos recherches, à terme ?
Nous espérons développer un inhibiteur de Rac1, en spray. Il pourrait remplacer les traitements lourds actuellement suivis par les asthmatiques sévères ou du moins les alléger considérablement sans provoquer d’effets secondaires.
* Unité de recherche de l’institut du thorax : umr1087.univ-nantes.fr
(1) Santé publique France
(2) Fondation pour la recherche médicale et Inserm
asthme-allergies.org : les principaux objectifs de l’association Asthme & Allergies sont d’informer et de soutenir les personnes asthmatiques ou allergiques, les parents d’enfants asthmatiques, ainsi que les médecins et les professionnels de santé. Sur son site, explications, conseils, adresses des écoles de l’asthme...
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